Interview exclusive : Dominic Sonic

    Bar en trans 97. Dominic Sonic fait salle comble. Dans une formation inédite créée pour l'occasion, il présente son nouveau disque. Pas un album, pas un maxi. Entre les deux. " Essais 94-96 ", en attendant de nouveaux horizons…

- En Belgique, la dernière fois qu'on a entendu parlé de toi, c'était pour l'album " Les leurres ", en 93 et les deux tournées, électrique et acoustique, qui ont suivi. Que s'est-il passé depuis ?
Dominic Sonic : Du temps, déjà. J'ai fait beaucoup, beaucoup de maquettes. Cela a traîné beaucoup, parce que cela ne s'est pas très bien passé avec Barclay. C'est-à-dire que pendant deux ans, j'ai maquetté sans arrêt en se disant tous les six mois : " On va faire l'album, on va faire l'album. ". Eux étaient pas vraiment satisfaits de ce que je leur envoyais. Moi, j'en ai eu un peu marre qu'on décide à ma place si mes morceaux étaient biens ou pas. J'ai donc perdu énormément de temps avec cela, mais ça ne m'a pas empêché de faire des morceaux en même temps. J'ai alors arrêté de travailler avec Barclay. J'avais des maquettes en stock qui dataient de cette période. Plutôt que de ne rien sortir, avant d'avoir signé ailleurs, par exemple, je me suis dit qu'il fallait profiter de l'occasion. J'ai donc fait mon label et j'ai sorti les bandes que j'avais sous la main.

- Sur la pochette du nouveau CD, on voit un pilote de formule 1 dans sa voiture. Or s'il y a des essais, en général, il y a un grand prix qui suit. Est-ce que quelque chose est prévu suite à ces essais ?
D. s. : La personne sur la pochette, c'est Gilles Villeneuve, le père de Jacques. Au départ, cela devait être Ayrton Senna, mais on n'a pas eu le droit d'utiliser la photo. Ce n'était pas uniquement pour illustrer le titre. Je suis un pur fan de Formule 1. J'avais envie de mettre cela en avant. En plus, cela correspondait bien à l'expression du pilote, les yeux fermés, que j'aimais bien. Effectivement, c'est des essais, donc il y aura un grand prix. Je l'espère. Cela risque de ne pas être immédiat. Je dirais plutôt fin 1998, début 1999.

- Le CD vient de sortir. Une tournée est prévue ?
D. S. : Ouais, on va tourner à partir de février jusqu'à l'été, avec des pauses. Belgique : possible, s'il y a des propositions. Il n'y a pas de raisons qu'on n'y aille pas, on y est toujours allé.

- Tu es un artiste solo. L'artiste solo s'investit plus dans sa musique. Mais comme il s'investit dans tous les instruments, il s'investit un peu moins dans chaque instrument, et donc l'investissement global est moindre… D'accord, pas d'accord ?
D. S. : Tu as raison. C'est évident. Quand tu fais tout toi-même, tu peux pas déjà jouer bien de tout, et tu peux pas penser comme un violoncelliste, un violoniste, un guitariste, un bassiste, … C'est la raison pour laquelle j'essaye maintenant de bosser avec pas mal de gens différents, d'horizons différents. Par exemple, la violoncelliste qui jouait avec moi ce soir vient du classique. Elle est complètement objective par rapport à la musique. Elle n'a pas de référence rock. Elle fait ce qu'elle ressent, instinctivement. Et c'est plutôt intéressant.

- Avant de jouer en solo, tu étais le chanteur de Kalashnikov. Il y avait à cette époque une scène rennaise. Une telle personne jouait dans plusieurs groupes. Sur ton deuxième album, par exemple, on retrouve Pierre Corneau (de Marc Seberg), qui t'a aussi accompagné en concert, Frédéric Renaud (qui a joué dans une multitude de groupes rennais dont Marquis de Sade, les Nus, …). Est-ce que cela existe encore au niveau de la scène rennaise ?
D. S. : Ouais, mais cela se fait plus discret car les groupes rennais sont un peu moins exposés, entre guillemets. Mellano qui joue du violon et de la guitare vient de chez Miossec. Le batteur et le bassiste viennent des Skippies. C'est des collaborations, parce qu'il y a toujours pleins de groupes. Et puis les groupes évoluent, les gens passent d'un truc à l'autre. Et comme on n'est pas si nombreux que cela à faire cela de manière permanente, c'est logique qu'on retrouve des gens en permanence. Enfin, tous les gens qui sont restés à Rennes en tous les cas. Mais tu va voir chez Obispo qui habite Paris (NDLR : il vient de Rennes et a joué dans des groupes tels Evening Legions, Senso), tu retrouves des rennais qui jouent avec lui.

- Est-ce que les transmusicales représentent quelque chose de spécial pour toi ?
D. S. : Oui et non, en fait. Oui, parce qu'il y a une époque où j'étais très investi dans les transmusicales. En tant que musicien, j'ai dû y jouer 4-5 fois. En plus, j'y travaillais. Selon les années, j'avais des rôles plutôt différents, mais c'était plutôt runner, techno, des trucs comme cela. C'était sympa, il y avait un côté un peu convivial. Et puis il y a un moment donné, depuis deux trois ans, j'y participe plus. J'y vais plus tellement. La raison, c'est … je ne sais pas trop.

- J'ai l'impression qu'avant les transmusicales étaient plus une grande famille. On formait un groupe pour jouer aux trans, les groupes invitaient des amis à venir jouer sur scène avec eux, il y avait des échanges. Alors que maintenant, c'est beaucoup de groupes étrangers qui ne se connaissent pas...
D. S. : Je pense que la grosse différence, c'est qu'à une époque, le concept même, c'était de privilégier les groupes français et de fonctionner déjà par des nouveautés, mais des nouveautés dans un registre plus réduit. C'était plutôt du rock, à quelques exceptions près. Mais il n'y avait pas de vocation world, ou autre. Cela ne ciblait par forcément plusieurs genres musicaux différents. Cela avait une vocation moins mondialiste.

- Mais c'était quand même porté vers l'ouverture d'esprit, la rencontre. Quand on entend des gens comme les Sax Pustuls, Anches Doo Too Cool, un duo de saxo, l'esprit est peut-être rock, mais pas forcément le résultat…
D. S. : J'entends pas rock comme une spécification. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y avait pas de soirée world. Aujourd'hui, cela fonctionne plus par registres et styles musicaux. Tu as soirée hip-hop, soirée world, soirée rock, soirée techno, … Avant, c'était moins grand, et moins éparpillé. Les gens pouvaient suivre déjà de très près tout le festival, alors que maintenant, il faut vraiment être sportif pour voir tout. Sportif et fortuné, car c'était moins cher avant. Je pense que la différence, c'est surtout la taille du festival, et le nombre de groupes et le nombre de salles, qui éparpillent un peu le truc. Et je ne vois pas, franchement, où tu pourrais placer un groupe de potes rennais…

- Il y a beaucoup de musiciens, groupes, artistes, qui sont restés à Rennes, plutôt que monter à Paris. On se sent si bien à Rennes ?
D. S. : Moi, je m'y sens très bien. Mais je crois que ceux qui sont partis, c'est plus par une nécessité professionnelle. Il y a un moment donné où le fait de vivre à Rennes, c'est handicapant dans la mesure où si tu veux vraiment rester habiter à Rennes, si tu as un mois de promo, il faut que tu restes un mois à Paris. Il y a des gens comme Etienne Daho, etc. qui ont choisi à un moment de rester habiter à Paris. En même temps, c'est toujours possible, il y a des avions, des trains, … Mais je suppose que cela peut être fatigant de se balader sans arrêt d'une ville à l'autre.

- Pour en revenir au nouveau CD, tu as dit que tu avais fait beaucoup de maquettes dont tu disposais. Pourquoi alors ne proposer que 7 titres (8 avec le morceau 'caché') ?
D. S. : Parce que déjà, cela ne pouvait pas être un album. En fait, je n'avais pas envie que cela soit assimilé à un album. Parce que ce n'est pas le cas. Même en l'expliquant très bien, par exemple sur une bio, c'est quand même toujours les gens qui se font l'idée de ce que représentent le disques. Si j'avais mis 12 titres, ils auraient supposé que c'était un album, et je ne voulais vraiment pas que ce soit le cas. D'autre part, il y a des titres que je n'ai pas mis volontairement, parce que cela n'aurait pas été très cohérent, c'est-à-dire qu'ils étaient, à mon avis, trop différents de ce qu'il y a pu avoir avant. Et j'avais envie de les garder pour que justement, la suite, elle, soit cohérente.

- Tu nous annonces quelque chose de différent, donc ?
D. S. : Oui, enfin, j'espère.

- Suite à tes tournées électrique et acoustique, t'ayant vu sur scène aujourd'hui, tu as choisi l'acoustique ?
D. S. : Pour ce concert, il y a trois semaines, je n'avais pas de musiciens. La solution, c'était de le faire acoustique. Cela ne m'intéressait pas du tout, dans la mesure où je l'ai déjà fait et que ce qui était intéressant, c'était de présenter quelque chose d'autre. Je ne considère pas du tout ce qu'on a fait ce soir comme acoustique. Même si je joue beaucoup de guitare acoustique, elle est saturée la moitié du temps. Mais, il y a quand même une envie d'avoir le son d'une guitare sèche, quasiment en permanence, sur tous les morceaux, même les morceaux sur lesquelles elle est le plus inadaptée.


Page créée par Pascal Bechoux, avril 1999