Marc qui ?
C'est quand le courant
s'arrête que ça devient intéressant. Quand on arrête d'en
parler, d'en rajouter jusqu'à déformer, à plus savoir si le
type qu'on a en face de soi est une image ou une réalité...
Philippe Pascal a eu la chance unique d'être tout de suite
reconnu comme star. Le problème, c'est que ce fut par les
médias. A l'époque, le public ne le connaissait pas trop. Alors
quand le support meurt, ça fait fragile. Epiphénoménal. Mais
ce n'est peut-être pas plus mal. La mort du Marquis a eu au
moins ce mérite : faire repartir tout le monde à zéro. Là, on
peut juger. Les résurrections ne sont pas attendues, elles sont
guettées. C'est carrément l'inverse. Le phénomène de mode
passé devenant tout d'un coup handicap. Le premier, tout premier
concert de Marc Seberg a eu lieu mi-mai à Auray. Oui, Auray.
C'est entre Lorient et je sais plus quoi... Dans cette ville
coquette, et néanmoins fortement chiante, il y a une colonie de
punks purs et durs, des organisateurs de concerts purs et durs,
et quatre cents mecs qui sortent au concert un soir de finale de
coupe de France. Qui dit mieux ? Z'étaient tous venus voir
Orchestre Rouge (qui, soit dit en passant, fait des ravages à
tous les coups). Marc Seberg incognito. En première partie des
ex-fans n° 1 du Marquis... Il y eut un instant de réelle
stupeur dans le public quand on le reconnut, puis une ovation,
puis le silence. Heu... Je sais pas trop comment dire, ce qu'ils
font ne porte pas encore de nom. Du Television hard-core ?
Mmpf... Du PIL très émotif ? C'est mieux. Du Killing Joke
chaleureux ? Mais ça veut rien dire, tout ça !... Bon,
écoutez, ils font du Marc Seberg, c'est nouveau, ça vient de
sortir, on n'a jamais entendu vraiment pareil avant, c'est plus
comme MdS, quoiqu'il y ait encore de ça, mais genre premier
album, hein, en tout cas, ça me semble aussi neuf que la sortie
de " Blank Generation " de Richard Hell à l'époque.
Faut revoir sur scène (le 24, en première partie de Tom
Verlaine), et puis attendre le disque... Quoi, quoi, un disque
???
Philippe Pascal - Ben oui, si possible en septembre avec Olger
Czukay, qui est l'ancien guitariste de Can et qui a déjà
produit Jah Wobble...
R & F - Vous avez beaucoup extrémisé la musique.
P.P. - Eh oui! C'est le son qu'on aime, guitare saturée, basse
en avant... On est très dur, très violent, très extrémiste !
Sur scène, parce que, dans la vie, nous sommes de charmants
garçons !
R & F - Je pensais que tu aurais un souci plus grand public.
P.P. - Tu plaisantes? Pas du tout, non. C'est un lieu commun,
mais j'en ai tien à foutre du public, ce qui compte, c'est le
plaisir que j'ai à jouer. Le public, il est invité ! C'est un
luxe pour lui ! Ah ah ah... : Chiche que tu le mets
dans l'article !
R & F - C'est quand même assez flippé...
P. P. - C'est pas flippé, c'est serein ! C'est la musique du
détachement se-rein ! Et je ne te charrie pas du tout !
R & F - C'est pas d'une gaieté folle...
P.P. - C'est pas tristounet.
R & F - C'est noir.
P.P. - Ah non, pas du tout. Mes textes sont rigolos. Tellement
rigolos que j'ai honte de les chanter, alors je dis n'importe
quoi sur scène, ah ah ah ! Bon, ben tu trieras, hein ?. . . Mais
pourquoi tu dis noir ? C'est une musique de défoulement. On peut
bouger la tête dessus. Nous, en tout cas, on s'amuse comme des
fous à la jouer.
R & F - Tu regrettes rien dans Marquis de Sade ?
P. P. - MdS était un groupe de compromission, il fallait
toujours composer. Avec machin, avec truc, et puis à la fin
c'était avec le public parce qu'il fallait absolument marcher si
on voulait s'en sortir financièrement.
R & F - Alors tu renies beaucoup de choses ?
PP. - Non, j'ai fait ce que j'avais à faire. Mais tu sais, je
n'ai jamais pensé être arrivé à quelque chose de définitif
avec MdS. On en était loin. C'est tellement excitant, un groupe
qui démarre. . . Et puis les musiciens sont concernés parce
qu'ils font, ce qui n'était pas forcément le cas avant...
R & F - Pourquoi tu ne reprends pas d'anciens titres ?
P. P - , Je pense qu 'on va en reprendre... " Smiles ",
" Conrad Veidt " .
R & F - J'ai l'impression qu'il y a moins de souci
esthétique.
P. P. - Entre nous, on s 'était un peu trop posé la question.
On nous a collé sur le dos l'étiquette expressionniste gnagna,
mais nous, on se posait trop le problème de l'allure et de
l'impact à avoir sur les gens. Je pense que
Marc Seberg est suffisamment fort pour qu 'on n 'ait pas à y
penser. Ça viendra tout seul.
R & F - Je pensais aussi à esthétisme musical, ...
P. P . - C'est clair que c'est plus novateur que MdS ! En toute
honnêteté !
Christophe Nick .
Copyright : Rock'n'Folk, 1982