Interview de Philippe
Pascal après la sortie de "Lumière et trahisons" par
Yannick Annezo.
Mégalo Rock : - Les albums de Marc Seberg sortent toujours au
printemps. Es-tu inspiré par l'hiver pour l'écriture ?
Philippe Pascal : - Non pas vraiment. c'est des clichés. Ca
collerait tellement bien à la peau du personnage (rires).
MR : - Et le morceau de "Décembre" ?
PP : -"Décembre" ce n'est pas la saison. C'est un
événement que j'ai vécu et qui s'est passé en décembre. Ca
aurait pu aussi bien être un autre mois que décembre. C'est
simplement un prétexte.
MR : - Dans beaucoup de tes chansons apparaît le thème de la
mer. Y a-t-il un rapport avec St-Malo, ta ville natale, et un
certain mouvement romantique des siècles passés, et notamment
Chateaubriand ?
PP : - Quand j'étais au lycée, j'ai eu une mauvaise note à mon
bac de français à cause de Chateaubriand. En représailles, je
suis allé pisser sur sa tombe. Donc Chateaubriand, ce n'est pas
du tout ma tasse de thé. L'étiquette romantique me tape
vraiment sur les nerfs parce qu'elle est accompagnée d'un tas de
connotations annexes qui sont déplaisantes. Je veux bien que
Marc Seberg soit un groupe romantique. Si cela signifie rêveur,
solitaire, individualiste et un peu en marge d'un certain
classicisme rock qui sévit depuis belle lurette en France par
exemple.
MR : - Par quel auteur es-tu inspiré alors ?
PP : - La B.D., la télévision, les feuilletons américains de
série B. Bref, la culture moyenne de chacun d'entre nous.
MR : - Tes paroles sont tout de même raffinées. Des gens vont
même jusqu'à dire qu'elles sont précieuses;
PP : -(soupir). Précieuses je ne sais pas et c'est une des
raisons pour lesquelles j'avais envie de mettre en musique un
poème classique. Bien que j'aime bien Baudelaire, et que j'ai
aimé Baudelaire quand j'étais au lycée parce qu'on aime bien
ce romantisme un peu noir et charogne. J'ai eu beaucoup de mal à
trouver une poésie de Baudelaire à mettre en musique ; une des
seules que j'ai trouvée, c'était "Recueillement"
parce que c'est un langage et une formulation de presque tout les
jours, que presque tout le monde comprend. Mais ce n'est pas
l'uvre poétique qui me passionne le plus. En fait, le plus
intéressant chez lui, c'est son uvre en prose. Ses
critiques d'art, c'est vraiment fabuleux. Surtout pour un type
qui vivait ça de l'intérieur. Il ne s'est pas planté. Non,
j'ai voulu reprendre Baudelaire parce que c'était un challenge.
Je me souviens, quand j'étais adolescent, il y avait un livre:
"Le rock et les poètes". Ca se fait beaucoup de dire
que le médium qui puisse faire passer de la poèsie, ce ne sont
plus des cercles poétiques, c'est la rock musique. Et je me
souviens qu'il y avait dans cet ouvrage des comparaisons fumeuses
entre Baudelaire et Lou Reed, Bob Dylan et Thomas Dylan. Ca
m'était toujours resté dans la tête, et quand est arrivé ce
morceau qui a été composé par Pascale, le fond de l'histoire
que j'avais mis sur pied, c'était un peu la ville, le moment où
arrive le soir que tu vas passer avec tes monstres. Et alors je
me suis rappelé que quand j'étais bachelier, j'avais étudié
un poème qui disait ça cent fois mieux. On s'est dit pourquoi
pas...quitte à se faire traiter de Léo Ferré du Rock
français, j'aurais pas pu écrire aussi bien.
MR : - Tes paroles se rapportent toujours à des situations
passées ?
PP : - On en est tous là.
MR : - Oui, mais il n'y a pas vraiment d'imagination du futur.
PP : - Non. C'est fini les ambitions et les grands rêves. De par
le travail que je fais, on avance doucement, au coup par coup. En
plus, le fait qu'on soit cinq dans le groupe, qu'on n'est jamais
branchés tous sur la même longueur d'onde, rend très difficile
de se projeter dans le futur.
MR : - Tu ne parviens pas à construire quelque chose à long
terme ?
PP : - Mais je ne veux pas. Jusqu'à présent, on a travaillé
d'une façon différente. Pas la meilleure pour vendre des
disques, mais la meilleure pour ne pas s'ennuyer, ne pas avoir
l'impression de se répéter. Non, je préfère vivre au jour le
jour.
MR : - Ta devise n'est tout de même plus "No future" ?
PP : - (silence). Mes premiers groupes, je les ai formés à
cette époque, et ça m'a profondément marqué. C'est tellement
une génération. Il y a eu une étape dans la vie de
l'adolescent où évidemment, c'était "no future".
C'est bon de le savoir. Soit on s'arrête là et on sera allé
jusqu'au bout de la vérité, parce que c'est vrai qu'il y a
"no future", mais après, si on accepte de continuer,
il faut faire en sorte de, malgré cela, s'en sortir et aller
plus loin, de déplacer ce "no future", même si on
sait très bien que ce qu'on va faire par la suite est bien
dérisoire et que les questions essentielles sont toujours là.
MR : - Dans ce nouvel album, certaines chansons sont moins
avant-gardiste et pourraient appartenir au répertoire d'Etienne
Daho...
PP : - (silence et soupir). Tu connais la mélodie de "Boys
Boys" de Marquis de Sade ?
MR : - Oui
PP : - Les premières mélodies d'Etienne Daho étaient pompées
sur les ballades de Marquis de Sade. Alors, c'est peut-être un
juste retournement des choses.
MR : - Mais ce n'est pas voulu ?
PP : - Non. C'est compliqué ces histoires là dans la mesure
où...(silence)...on inverse les problèmes. Daho est arrivé
après avoir passé 3 ans à assister à tous nos concerts et
après avoir travaillé avec des musiciens de Marquis de Sade,
mais avant Darcel, avec des gens avec qui j'avais moi-même
travaillé parallèlement à Marquis de Sade, comme Richard
Dumas, le photographe qui lui a carrément écrit toutes les
musiques du premier Daho. Ensuite, il y a eu comme toujours des
combines de fric et il s'est vu dépossédé de son travail. Je
suis désolé, mais certaines mélodies d'Etienne Daho me font
penser à des mélodies douces que reprenait le Marquis de Sade
et qui tendaient un peu à "Bell blue eyes" sur le
troisième album du Velvet. Alors, comme Daho se dit le Lou Reed
ressuscité, c'est normal qu'il y ait certaines analogies. Mais
il ne faudrait pas inverser les problèmes. Si Marc Seberg perce
un jour, on va dire, il y a eu Daho, Niagara et nous on sera les
petits derniers et on aura pompé des trucs à droite et à
gauche. Il faut voir un peu plus loin. On m'a dit aussi que dans
Best, Bar-David a comparé un de nos morceaux à un morceau de
Daho. C'est la première fois qu'on me disait ça. Mais Bar-David
avait un compte à régler avec moi et c'était la manière
élégante de me faire très mal. Mais Daho, c'est pas la même
sphère. C'est pas le même monde.
MR : - Tu parles de Marquis de Sade. Vois-tu une grande
différence entre votre public et celui de Marquis de Sade ?
PP : - Ils sont tous là. Ils s'ennuient à des moments
différents, mais ils sont tous là.
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