Au présent
Marc
Seberg se hâte lentement. C'est sa force. En cette fin de
siècle d'incertitudes, de cynisme et de futilités, où les
figures grimaçantes de notre histoire viennent trop souvent
hanter nos murs, Marc Seberg avec « Le chant des terres »
appose le visage de la souveraineté. Du fond de la mémoire, les
images qui viennent flotter en surface sont regardées avec
détachement, la musique tissant les fils qui nous mènent de
l'une à l'autre, ici et là vers une « île de hasard ». Marc
Seberg semble déserter le dédale urbain pour inventer sa
géographie de terres, d'océans et de brumes.
D'aucuns diront que Marc Seberg n'est plus le même, voire qu'il
aurait vendu sa chemise de pureté aux impératifs mercantiles du
show-business. N'en déplaise à ceux-là, les morceaux que le
groupe nous rapporte de ses séances d'enregistrement doivent peu
à la mode tant la musique mise à éliminer le superflu, sans
même craindre le lieu commun, l'évidence retrouvée où le mal
de mer résonne en correspondance avec le mal d'amour.
N'est-ce pas là l'essentiel que Nick Patrick, producteur de
l'album, a su respecter ? Si Marc Seberg est romantique, il ne
soigne pas son coeur au sein de l'archaïque forêt gothique mais
parcourt la planète à la lisière de la terre sur un fil tendu
d'où la chute est toujours possible. Où de continent en
continent, au détour des sillons peuvent surprendre les visions
épiques et guerrières et les moulins à prières de l'Orient,
en une errance presque joueuse : « l'aurore ».
Contrairement aux apparences, d'un album à l'autre c'est plus
une continuité qu'une rupture qui se fait entendre, comme au
bout de la nuit le jour se lève. Le brouhaha de l'actualité
passe en fanfare, même contre Tarzan. On applaudit et on oublie.
Marc Seberg reviendra nous visiter avec sa lancinante et
familière étrangeté. Les titres du premier album repris sur
scène comme «Tricks of minds » ou « Personalities» sont nos
rêves nocturnes qui nous surprennent en plein jour. On saura
gré à Marc Seberg d'évoluer sans s'aliéner, de n'avoir cédé
ni à la répétition ni au style.
Cette exigence se nomme professionnalisme, à savoir donner forme
à la naïveté. Sur scène, loin de Marc Seberg le foutoir
multi-média et autre esbroufe. Le recours aux formes
extérieures, décors et mise en scène, doivent la servir en
toute rigueur. La sortie conjointe du disque et du spectacle sont
la chance à tenter. Marc Seberg sait où il est et ce qu'il
fait, il a d'autant plus à apporter.
« Le chant des terres », Virgin, 19-20 mars à Rennes, Maison
de la Culture ; le 22 mars à Fougères, Espace 3 ; le 30 mars à
Bourges.
Arnauld LE BRUSQ.
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