Best, n°164, mars 1982

Critique de l'album Next year in Asia

 Next year in Asia  

(Pathé Marconi)

Et à ton avis, le meilleur de tous ? Téléphone ? Taxi Girl ? Trust ? Starshooter ? Rien de tout cela répond le rock computer miroir, le meilleur, c'est Marquis de Sade. Ouais, mais MDS s'est fait « seppuku » en avril demier et le cadavre est encore tiède : le public français est de cette race de gens qui ne sont capables de chérir que ce qui leur file entre les doigts. Dommage. Octobre, c'est MDS retranché de son chanteur, Philippe Pascal. Eric Lanz, un Parisien, a pris la suite derrière le micro. Il chante juste, mais il est loin de posséder le magnétisme pascalien qui irradiait le groupe d'une manière si inquiétante. Sur « Rue de Siam », le second MDS, « Submarines and Icebergs » achevait la face deux comme un symbole, un pont jeté à travers le broufllard vers l'autre rive... Pour Darcel et ses copains, l'autre rive, c'est un groupe qui ne connaît pas de leadership bicéphale, le tiraillement entre deux pôles de personnalités qui rongeait le Divin Marquis comme un cancer virulent. Du coup, la musique d'Octobre paraît plus apaisée, moins torturée ; ses racines s'étirent et plongent jusqu'aux entrailles des grandes métropoles : New-York, Paris ou Berlin, peu importe, de toute façon, elles reflètent un funk urbain, presque universel. « Next Year in Asia » est un albumette de six chansons, en anglais et en français, bourré de qualités. D'abord, cet « Acteurs » qui est de loin mon titre préféré à cause de sa mélodie en froide transparence. Il y a aussi « Nastassja » dont le beat et la trompette me rappellent assez le son Material, malgré des claviers bien plus techno-funk et insulaires. Pourtant, j'avoue avoir du mal à me faire complètement à cette musique. Il y a l'accent un peu contestable d'Eric lorsqu'il chante en anglais. Mais ce qui me gêne surtout dans la musique d'Octobre, c'est son côté distanciation qui se pose grand comme un iceberg : comment se reconnaître dans un album aussi beau, mais hélas si froid ? Ce qui manque au groupe, c'est une dimension plus humaine, une présence qui saurait se faire plus forte que les ficelles et les simples effets de style. « Next Year in Asia » est un titre idéal pour un album chargé d'espoir ; d'ici là, Octobre apprendra peut-être à briser la glace.

Gérard BAR-DAVID


Copyright : Best, 1982